Le 17 octobre 2019, une première. Ma question à Nathalie Muylle,(Emploi, Economie et Consommateurs) sur « La Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté » (55000105P
Marie-Colline Leroy (Ecolo-Groen):
Madame la présidente, madame la ministre, hier, c’était la Journée mondiale du pain. Demain, ce sera la Journée mondiale du champagne. Quelle ironie! Bloquée entre ces deux journées, il y a la Journée mondiale de lutte contre la pauvreté.
Aujourd’hui, des associations se sont réunies pour poser un constat. C’est que ce gouvernement a aussi bloqué la lutte contre la pauvreté entre culpabilisation et stigmatisation. Nous savons que la lutte contre la pauvreté, c’est un combat politique structurel. Nous savons qu’il est aussi intergénérationnel. Le taux de pauvreté n’a cessé d’augmenter ces cinq dernières années. C’est un vrai problème. Ces cinq dernières années, c’est une augmentation de 30 000 personnes qui ont dû faire appel aux banques alimentaires.
Madame la ministre, mes questions sont simples. Ce gouvernement s’est engagé à relever les allocations sociales au seuil de pauvreté. Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est concrètement aujourd’hui car nous ne le voyons pas? Et, puisque vous venez d’arriver, madame la ministre, j’imagine que vous avez beaucoup d’idées, d’envies et d’enthousiasme pour lutter contre la précarité et la pauvreté. Quelles seront vos premières mesures pour lutter contre la pauvreté?
Nathalie Muylle, ministre (en néerlandais):
Les nombreuses initiatives prises à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté sont réconfortantes. Je me suis entretenue ce matin avec les organisations de lutte contre la pauvreté dans notre pays à propos de leurs attentes. J’ai entendu une experte du vécu en pauvreté affirmer que la pauvreté est un job à temps plein mal payé. Elle faisait référence à toute la paperasserie à laquelle les personnes vivant dans la pauvreté sont confrontées. Nous ne pouvons pas stigmatiser ces personnes et les considérer comme des coupables. Elles sont nos partenaires dans la lutte contre la pauvreté.
(En français) De 2014 à 2018, la pauvreté monétaire – mesurée par le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté – est passée de 15,5 % à 16,4 %; la privation matérielle grave, qui décrit le non-accès aux biens et services essentiels à une vie décente, est passée de 5,9 % à 4,9 %; et la très faible intensité de travail est passée de 14,6 % à 12,1 %.
(En néerlandais) Si le risque de pauvreté est resté stable en 2019, il demeure toutefois trop élevé. Nous observons également une modification du groupe à risque. Alors que la situation des aînés s’est améliorée, les demandeurs d’emploi, les familles monoparentales, les locataires et les personnes faiblement scolarisées deviennent plus vulnérables. Il nous incombe d’aider ces personnes à sortir de la pauvreté. Et la pauvreté est avant tout une question de revenu décent. Le gouvernement précédent a déjà pris des mesures dans ce domaine dans le cadre de l’enveloppe bien-être et du tax shift. Le niveau des bas salaires a augmenté et les indemnités ont été revues à la hausse, mais il y a plus à faire. Les
revenus d’intégration et les allocations pour personnes handicapées sont toujours inférieurs au revenu d’intégration. Le relèvement de ces deux catégories d’indemnités coûterait 1,2 milliard d’euros. Il appartiendra au prochain gouvernement d’en décider. Je compte sur la bonne volonté de ceux qui s’assoiront à la table des négociations.
La pauvreté est complexe et multidimensionnelle. Le récent prix Nobel d’Économie soutient l’approche expérimentale de la pauvreté qui implique les populations dans les
solutions. Il a été proposé de développer une approche expérimentale de la politique en matière de lutte contre la pauvreté. Cet objectif se retrouve en partie dans la stratégie mise en place par le gouvernement fédéral. Pensons à cet égard aux projets Housing First et MIRIAM et aux experts du vécu.
Les organisations de lutte contre la pauvreté ont rappelé l’importance de celle-ci dans les domaines de l’éducation. Le recours à des intermédiaires est très utile dans les écoles. Les questions de logement et d’endettement ont également été abordées. Nous discuterons en détail de la question de la dette le mois prochain.
Le troisième plan fédéral de lutte contre la pauvreté a également été évalué récemment. Dans l’intervalle, mon administration s’emploie à élaborer des propositions en vue de la
mise en place d’un quatrième plan. En effet, les personnes en situation de pauvreté n’ont cure des affaires courantes. Nous devons dès lors examiner la manière d’augmenter de façon
substantielle les revenus des jeunes et des isolés, en nous inspirant des mesures que nous avons prises en faveur des personnes âgées. Nous
devons également donner aux personnes qui vivent dans la précarité la possibilité d’influer sur les décisions qui les concernent.
Marie-Colline Leroy (Ecolo-Groen):
Madame la ministre, je vous remercie. Vous avez évoqué le revenu d’intégration sociale. Il faudrait quand même indiquer qu’il manque à ce jour encore au moins 250 euros par mois par bénéficiaire pour leur permettre ne fût-ce que d’atteindre le seuil minimum pour une vie décente! Vous avez évoqué l’enveloppe bien-être. Force est de constater aussi qu’elle n’a pas tenu ses promesses.
Vous avez évoqué un chiffre: 16,4 % de la population belge se situent en dessous du seuil de pauvreté. Vous parlez d’une légère augmentation. Mais c’est du jamais vu! Tel est l’élément principal de cette situation. En cinq ans, ce taux a augmenté considérablement. Un pour cent, c’est beaucoup, madame la ministre! On ne peut pas quand on parle de pauvreté et de précarité minimiser ce genre de chiffres.
Madame la ministre, je voudrais conclure en disant que la pauvreté n’est pas une fatalité, que la pauvreté est simplement une conséquence d’une politique. Des choix politiques peuvent être faits. Nous plaidons pour des choix politiques solidaires, inclusifs et démocratiques!