Les épargnants versant entre 960,01 euros et 1152 euros passent à une réduction d’impôts à 25% qui leur est donc désavantageuse, leur avantage fiscal étant moindre que s’ils avaient limité leur versement à 960 euros (déduction fiscale à hauteur de 30% de la somme épargnée).

Question posée le 20/11/2019 à Alexander De Croo, alors Ministre des  Finances et Coopération au développement) sur « Le piège fiscal de l’épargne-pension » (55000563C)

Marie-Colline Leroy (Ecolo-Groen):

Monsieur le ministre, depuis janvier 2018, le régime d’épargne-pension a été modifié. Les épargnants ont désormais le choix entre deux paliers maximums de versements annuels pour leur épargne-pension. En 2018, le premier palier était fixé à 960 euros par an avec déduction fiscale à hauteur de 30% de la somme épargnée. Le second palier était, lui, fixé à 1230 euros avec déduction fiscale à hauteur de 25% de la somme épargnée.Subtilité de cette réforme, un « piège fiscal » déjà largement commenté: les épargnants versant entre 960,01euros et 1152 euros passent à une réduction d’impôts à 25% qui leur est donc désavantageuse, leur avantage fiscal étant moindre que s’ils avaient limité leur versement à 960 euros.

Selon des chiffres obtenus par LeVif auprès du SPF Finances, en 2018, 2 742 épargnants ont versé entre 960 euros et 1152 euros et sont donc « tombés dans le piège ». Ils ont perdu une partie de l’avantage fiscal dont ils auraient bénéficié en se limitant à 960 euros. Le gouvernement Michel avait présenté cette modification du régime de l’épargne-pension comme budgétairement neutre. Le mécanisme, confirmé par une note de la Cour des comptes commentée à l’époque par le journal Le Soir, était le suivant: 380 000 épargnants augmenteraient seulement légèrement leur épargne, en restant donc sous les 1152 euros. Par un effet de vases communicants, ceci devait permettre de financer le supplément de réduction d’impôt de ceux qui se rapprocheraient suffisamment du second palier. Le but était donc de financer cette modification de régime aux dépens d’une partie des épargnants. L’exercice d’imposition 2019 a été réalisé, l’heure est donc au bilan.

Au-delà du processus pernicieux, cette mesure pèse sur le budget de l’État. En effet, avec seulement 2 742 épargnants tombés dans le piège (ce dont on peut se réjouir) au lieu des 380 000 envisagés, la mesure représente un trou budgétaire estimé à 1,27 millions d’euros par an (dont on peut par contre s’inquiéter). Voici mes questions.

Confirmez-vous ces données parues dans la presse?

Combien d’épargnants ont-ils subi une perte de leur avantage fiscal sur la base de leur versement 2018?

Comment l’information aux contribuables, à laquelle le gouvernement s’était engagé, a-t-elle été assurée à ce sujet?

Comptez-vous compenser cette perte pour les finances publiques?

Prévoyez-vous, en concertation avec le ministre Bacquelaine, une révision de cette réforme et une correction fiscale à l’adresse des épargnants lésés?

Alexander De Croo, ministre: Madame Leroy, je répondrai d’abord à votre première question.Les chiffres repris dans la presse proviennent du SPF Finances. Il va de soi que l’on peut dès lors les confirmer. En effet, au cours de l’année 2018, 2742 contribuables ont versé plus de 960 euros en matière d’épargne-pension, mais moins que 1152 euros. Ceci implique donc une réduction au taux de 25%, de moindre ampleur qu’une réduction au taux de 30% dans le cas d’un versement limité à 960 euros. Comme vous l’avez vous-même souligné, ce mécanisme a déjà été longuement commenté, notamment par la presse.

En outre, le site internet du SPF Finances mentionne explicitement cette particularité. Ainsi, dans la section dédiée à l’épargne-pension, sous l’intitulé « Quel montant puis-je verser? À combien s’élève la réduction d’impôt? », il est explicitement écrit: « Attention, si vous dépassez le plafond de 960euros, la réduction d’impôt passe automatiquement de 30 à 25%. Ce dépassement n’est avantageux pour vous que si vous versez un montant supérieur à 1152euros. « Enfin, on rappellera que le seuil supérieur de 1230euros ne s’applique que si le contribuable a opté explicitement pour cette solution. À la connaissance de l’administration, la majorité des institutions concernées avisent leur client du risque d’obtenir in fine un avantage fiscal moins important.

J’en viens à votre troisième question. À l’heure actuelle, il n’est pas prévu d’apporter des modifications au système en question. Lorsqu’il sera en régime de croisière, une nouvelle évaluation sera effectuée.Votre dernière question appelle la réponse suivante. Étant donné que les épargnants ont été informés via différents canaux, et que l’option pour le seuil supérieur de 1230 euros résulte d’un choix explicite de ceux-ci, on ne peut pas affirmer qu’il existe des épargnants lésés par cette mesure. Aucune modification n’est donc envisagée. En tout état de cause, une telle modification excéderait l’expédition des affaires courantes.

Marie-Colline Leroy (Ecolo-Groen):

Monsieur le ministre, si j’entends bien, ces 2742 personnes auraient explicitement choisi de valoriser dans une moindre mesure une déduction fiscale. Cela m’étonne un peu. En tant qu’utilisatrice de ce genre de mécanisme, moi-même, cela m’étonnerait que je choisisse de gagner un peu moins en avantage fiscal. Je suis vraiment très étonnée. Je vérifierai que lors de l’exercice suivant, davantage d’informations soient encore données, pour que moins de personnes décident explicitement de bénéficier d’un avantage fiscal moindre. Je propose que nous en rediscutions l’année prochaine pour voir si ces 2742 épargnants ont décidé de faire un autre choix, et je l’espère vraiment pour eux. Je vous remercie, monsieur le ministre.