Questions posée le 03/12/19 à Maggie De Block, alors Ministre des Affaires sociales, Santé publique, Asile et Migration sur « Les malades de longue durée »

https://www.lachambre.be/doc/CCRI/pdf/55/ic063.pdf

Marie-Colline Leroy (Ecolo-Groen):

Madame la ministre, nous avons reçu ces derniers jours de nombreuses informations, notamment par le biais d’un communiqué du 20 novembre 2019 de la FEB qui annonçait vouloir « mettre les points sur les i » suite à des chiffres présentés sur le trajet de réintégration pour les malades de longue durée. Cette présentation des chiffres laissait entendre que les deux tiers des 50000 personnes concernées au cours de ces trois dernières années, par une trajectoire de réintégration, auraient été licenciées. La FEB réfute la thèse selon laquelle la trajectoire de réintégration serait une « machine à licencier », mettant en avant d’autres chiffres: rien qu’en 2018, environ 165000 travailleurs auraient connu l’une ou l’autre forme de réintégration -on dépasse ainsi les 50000personnes auxquelles je viens de faire référence; sur ces 165000travailleurs, 60000 auraient reçu l’autorisation de reprendre le travail à temps partiel et de le combiner avec une allocation de maladie;au moins 10000 personnes qui étaient à la maison pour maladie auraient suivi une formation de recyclage payée par l’INAMI et donnée par les services régionaux de l’emploi; environ 80000 travailleurs auraient demandé un rendez-vous avec le médecin du travail pour examiner les adaptations nécessaires et possibles pour reprendre le travail.

Madame la ministre, pouvez-vous nous donner votre interprétation des résultats de ce trajet de réintégration pour les malades de longue durée, mesure entrée en vigueur le 1erjanvier2017?

Depuis cette date, combien de travailleurs ont-ils été concernés par un trajet de réintégration?

Pouvez-vous ventiler ces chiffres selon les différentes formes de trajet de réintégration?

Quel a été le résultat de ces trajets de réintégration pour les travailleurs concernés?

Quel bilan dressez-vous de cette mesure?

Maggie De Block, ministre:

Les malades de longue durée ne doivent pas être ostracisés. Ils doivent –du moins ceux qui le peuvent –être aidés en vue d’une reprise du travail. Cette aide est le point de départ de la politique que nous menons dans le cadre des projets de réintégration. Les mutuelles ont droit à un budget ad hoc en fonction des efforts qu’elles fournissent pour aider leurs affiliés malades de longue durée à retrouver du travail.

La ministre de l’Emploi est compétente pour les trajets de réintégration avec les employeurs. Si la réintégration se révèle être un échec complet, un licenciement pour raisons médicales est possible après une période de six mois. Il convient de mettre en route un accompagnement sur mesure pour chaque patient pour permettre le retour au travail le plus rapidement possible.C’est la raison pour laquelle la mutuelle envoie un questionnaire au bout de huit semaines. Il est le fruit d’une collaboration entre l’Université de Liège, la KULeuven, l’INAMI et les mutualités. Ce questionnaire interroge le patient sur sa santé, sa situation professionnelle et dans quelle mesure il évalue lui-même ses chances de reprendre le travail.

Un accompagnement sur mesure signifie également –je l’ai souligné à plusieurs reprises en cette commission–que chacun doit d’abord disposer du temps nécessaire pour surmonter sa maladie. Les cas que vous avez cités ont été examinés car il n’est pas correct d’envoyer cette lettre alors que le patient connaît une rechute de sa maladie. Malheureusement, les services ne le savaient pas; les informations se sont croisées.En cas de rechute, il faut demander à son médecin de prévenir le médecin de la mutuelle par lettre. J’ai connu le cas de patients malades chroniques soumis seulement une fois par an au contrôle du médecin-conseil de leur mutualité. L’un d’entre eux, entre-temps, avait développé un cancer et je l’ai fait savoir à sa mutualité. En une telle situation, il faut attendre qu’il recouvre la santé et il en va de même pour un patient hospitalisé pour lequel le médecin doit faire savoir qu’il se trouve à l’hôpital.Je ne comprends pas comment cette situation a pu se produire. Il semble que cette dame ait reçu une invitation alors qu’elle était confrontée à une récidive de son cancer. Les patients ne sont pas obligés de compléter le questionnaire. Ils peuvent indiquer que la reprise du travail n’est pas une option réaliste pour eux. Plus tôt la réflexion à propos d’une reprise d’activité est entamée et plus les chances de se lancer un jour dans un trajet de réintégration sont grandes. La plupart des travailleurs exercent une activité à temps partiel. Le questionnaire scientifique aide les patients à reprendre le travail à leur propre rythme et s’appuie sur des expériences fructueuses menées en Norvège.

Marie-Colline Leroy (Ecolo-Groen):

Madame la ministre, j’attendais peut-être davantage de votre bilan personnel. Je voudrais donc évoquer trois éléments de mon bilan personnel de ce parcours de réintégration.

À mon avis, vous n’allez pas me contredire. Je pense que la santé passe aussi par la sérénité. Un individu malade en parcours de réintégration a absolument besoin aussi de sérénité dans son trajet. Sur le terrain, voici ce que j’ai eu le plus l’impression d’entendre. Trois éléments pourraient être réévalués et revus, si on souhaitait améliorer ce parcours de réintégration. Le premier est l’idée de retourner le plus rapidement possible au travail. Cela a un effet bénéfique et positif. Recommencer à travailler, se remettre sur les rails peut effectivement redonner beaucoup d’énergie. Mais lorsqu’on souffre de maladies qui nous privent du bénéfice de retourner très vite au travail, alors la pression devient quelque chose d’encore plus contraignant et stressant. Je rappelle la question de la sérénité.

Le deuxième élément est la part de subjectivité. Vous l’avez vous-même évoquée quand vous avez mentionné l’idée de bien choisir les personnes à qui on envoie le questionnaire, d’examiner la manière de travailler avec ce parcours de réintégration, et de déterminer quels étaient les cas de figure. Dès l’instant où l’on parle de soins de santé et de subjectivité, vous savez sans doute, en tant que médecin, qu’il s’agit d’un facteur très important. Je me demande dans quelle mesure nous ne devrions pas davantage baliser cette part de subjectivité.

Le troisième élément est le suivant. Dans le dédale du parcours de réintégration, ne pourrait-on pas réduire la lourdeur administrative?C’est ce qui me revient à nouveau, car je n’ai pas moi-même été victime d’une maladie de longue durée. Cette lourdeur, avec les documents à remplir, la difficulté d’ouvrir un courrier et cette obligation d’encore poser un acte administratif supplémentaire, fait partie des éléments à revoir, selon nos retours.

Maggie De Block, ministre:

Nous avons développé un outil spécifique pour l’échange d’informations entre le médecin traitant, le médecin de la mutualité et le médecin du travail. Nous l’avons fait pour faciliter les choses et pour éviter la lourdeur administrative.

Marie-Colline Leroy (Ecolo-Groen):

J’entends bien cette étape.

Maggie De Block, ministre:

Nous pourrions aller plus loin, comme a dit Mme Farih en parlant d’une fit note. C’est une réforme différente. Ce n’est plus déclarer qu’il y a une incapacité de travailler, mais, en tant que médecin, déclarer quelle est encore la capacité de travailler, ce qui est plus difficile. Cela va plus loin. C’est alors le médecin qui décide que le patient peut encore travailler. Pour le moment, on laisse encore la décision au patient. S’il dit qu’il ne voit pas de possibilité, la réponse est claire et nous parvient par le questionnaire.Cela va plus loin, mais on n’a pas été jusque là car cela pourrait poser des difficultés pour le médecin traitant de savoir dans quelle mesure le patient peut encore travailler. Dans l’accord des partenaires sociaux, on a prévu 2 millions avec le ministre du Travail pour organiser une prévention primaire avec la médecine du travail, distincte de nos préventions secondaire et tertiaire. Quand on est malade et à charge de la mutuelle, puis licencié, c’est encore un autre trajet. Le trajet avec les mutualités commence à porter ses fruits. Afin d’éviter le deuxième groupe, il faut travailler sur le premier groupe, c’est-à-dire au sein des entreprises. C’est ce que nous faisons avec les employeurs.