Question posée le 15/01/20 à Nathalie Muylle (alors Ministre de l’Emploi, Économie et Consommateurs) sur « L’accès des jeunes à l’emploi »

https://www.lachambre.be/doc/CCRI/pdf/55/ic088.pdf

Marie-Colline Leroy (Ecolo-Groen):

Madame la ministre, « la réforme de l’accès aux allocations d’insertion entreprise par le gouvernement Michel n’a pas amélioré l’accès des jeunes à l’emploi ». Ce n’est pas moi qui le dis. C’est le bilan sévère –pour une politique qui l’était tout autant–dressé par la récente étude de la Banque nationale de Belgique (BNB). Celle-ci précise également que les mesures visant à inciter les jeunes à trouver de l’emploi semblent n’avoir eu qu’un impact marginal sur l’emploi des jeunes. Pire, la mesure a même eu un effet pervers. Lorsqu’ils perdent leur droit aux allocations, l’obligation de s’inscrire ou Forem, chez Actiris ou au VDAB prend fin. Le risque est réel que ces personnes disparaissent alors du radar des services de placement et aient encore plus de mal à trouver un emploi. Quelle ne fut pas ma surprise face à cette éventualité!

  • Dès lors, madame la ministre, pouvez-vous nous expliquer ce qu’il en est de l’intérêt de cette mesure?
  • Avez-vous l’intention de considérer cette étude et de revoir la loi?
  • Comment imaginez-vous répondre réellement et de manière structurelle à l’attente légitime des jeunes en recherche d’emploi?
  • Comment comptez-vous les préserver du risque de tomber dans la pauvreté, faute de revenus, alors que l’on nous prouve une fois de plus que la sanction, la privation et le stress sont des freins pour mener une vie digne?

Nathalie Muylle, ministre:

La limitation dans le temps de l’allocation d’attente a été instaurée par le gouvernement Di Rupo. Le gouvernement Michel a affiné le régime sur un certain nombre d’aspects et l’étude citée concerne deux de ces affinements. Seuls les auteurs de l’étude –et donc pas la Banque nationale dans son ensemble –sont liés par les conclusions.  Comme toute évaluation de politique, je ne peux que me réjouir de cette étude. Bien entendu, c’est mon successeur qui devra tirer les conclusions en ce qui concerne toute modification éventuelle de la législation.
L’étude vise spécifiquement les titulaires d’un diplôme universitaire âgés de plus de 25ans et les jeunes de moins de 21ans qui quittent l’école sans diplôme d’enseignement supérieur. Pour ces deux catégories, l’accès à l’allocation d’insertion a été supprimé en 2015. Le dernier groupe cité retrouve toutefois l’accès à cette allocation à l’âge de 21ans. La mesure vise prioritairement à orienter le comportement des jeunes sur le plan des études, ce qui n’a pas été examiné dans le cadre du travail de recherche. L’étude s’est intéressée uniquement à la probabilité de trouver un emploi et ne constate aucun effet significatif. C’est regrettable, mais ce n’est pas la première intention de la mesure qui, par ailleurs, ne réduit pas les chances de trouver un emploi.Néanmoins, l’accompagnement des jeunes vers l’emploi reste essentiel et est une tâche et une compétence des Régions et des Communautés.
L’étude n’examine pas non plus, par exemple, l’évolution vers la pauvreté. D’ailleurs, ceux qui n’ont pas droit à une allocation d’insertion ou à une autre allocation de chômage peuvent demander le revenu d’intégration sociale. Dans la plupart des pays, les jeunes sortant des études ne peuvent prétendre qu’à des allocations du type revenu d’intégration sociale.
Même après les réformes, notre système continuera d’offrir à juste titre une meilleure protection aux jeunes sans expérience professionnelle que ce qui est prévu dans la plupart des pays membres de l’Union européenne. Dans ce contexte, l’inscription obligatoire en tant que demandeur d’emploi dans le cadre d’une allocation d’insertion peut être une aide, mais ce n’est pas plus que cela.
Les bénéficiaires du revenu d’intégration doivent également s’inscrire comme demandeur d’emploi. Les offices régionaux pour l’emploi sont de toute façon au service de ceux qui s’inscrivent volontairement sans obligation, car la principale motivation incitant une personne à s’inscrire comme demandeur d’emploi est en effet de trouver du travail.
À titre d’illustration, je mentionne les chiffres concernant le statut socio-économique après le droit aux allocations d’intégration. Six mois plus tard, 12,6% des chômeurs dont on a retrouvé la trace étaient au travail en 2015. Ce pourcentage a grimpé à 42,6% au cours du premier semestre de 2018.

Marie-Colline Leroy (Ecolo-Groen):

Madame la ministre, je vous remercie. L’objectif d’une telle réforme et même ses aménagements, reposant sur le postulat politique selon lequel le retrait d’allocations peut motiver des jeunes à aller travailler, me laissent quelque peu sceptique. Vous me répondez aussi que ce n’est pas l’intérêt premier de la mesure. S’agit-il alors de faire des économies? Dans ce cas-là, cela me paraît d’autant plus grave. La situation des jeunes sans emploi est très particulière. Quand ils ont entre 18 et 25 ans, ils recherchent un parcours professionnel et une identité. C’est sans doute à ce moment-là qu’il convient d’éviter au maximum de les stigmatiser et de les enfermer dans un cycle dont ils sortiront difficilement. Par ailleurs, je sais que vous n’êtes pas en mesure d’entreprendre des aménagements, puisque le gouvernement est en affaires courantes. Cependant, j’espère que, dans un avenir proche, le futur gouvernement pourra prendre en charge ces jeunes demandeurs d’emploi en vue de les soutenir dans leurs projets positifs, au lieu d’entretenir une culture de la sanction, du stress et de la privation.