https://www.lachambre.be/doc/CCRA/pdf/55/ac207.pdf
Marie-Colline Leroy à Denis Ducarme (Classes moyennes, Indépendants, PME, Agriculture, et Intégration sociale) sur « La task force interfédérale pour les groupes vulnérables »
Marie-Colline Leroy (Ecolo-Groen):
La crise sanitaire se traduit de plus en plus par une crise sociale. Votre administration prévoit une augmentation de 30% en avril, mai et juin des demandes d’aide complémentaire et de 10% des demandes d’accès au RIS. Vous avez débloqué 15 millions d’euros de soutien aux CPAS.
- De quelle manière ces prévisions ont-elles été calculées?
Selon des statistiques locales, ces augmentations seraient bien supérieures. Selon vos propres estimations, la hausse des demandes de RIS représenterait, à elle seule, un coût de 19millions d’euros.
- Envisagez-vous de débloquer davantage de budget?
- De quel montant s’agirait-il?
- D’autres mesures seraient en préparation, pouvez-vous nous en dire plus?
La crise sanitaire a entraîné le passage au tout virtuel au sein des universités et hautes écoles, ce qui entraîne des difficultés particulières pour les étudiants bénéficiaires du CPAS qui doivent passer les examens dans des conditions matérielles difficiles. Or, la bourse d’études du CPAS est souvent conditionnée par des critères de réussite.
- Prévoyez-vous une application plus souple de cette condition de réussite?
Denis Ducarme, ministre :
La crise sanitaire exceptionnelle que nous traversons requiert, à côté de la réponse sanitaire et des mesures socio économiques, une réponse sociale.Avant le superkern de vendredi, nous avons débloqué 100millions d’aide sociale complémentaire et 10millions de frais de fonctionnement pour les CPAS. En matière sociale, 86millions d’euros ont déjà été engagés: 286000euros pour les banques alimentaires; 3millions pour l’aide alimentaire au niveau des CPAS; une deuxième tranche de 759000euros est en cours pour les banques alimentaires; 3millions d’euros pour un deuxième volet d’aide alimentaire via les CPAS; de l’aide sociale complémentaire aux CPAS à hauteur de 15millions d’euros; 420000 euros pour les étudiants boursiers; 21millions d’euros mis à disposition des CPAS dans le cadre de l’augmentation de la mobilisation nécessaire pour les nouveaux RIS.
Et encore la prime de 300 euros pour les bénéficiaires du RIS. Vient s’y ajouter la décision du superkern d’accorder 100millions d’aide supplémentaire aux CPAS pour soutenir les ménages fragilisés par cette crise. Les mesures sont en cours d’élaboration avec la fédération des CPAS afin de répondre au plus près à leurs besoins. Je tiens à remercier l’ensemble des CPAS ainsi que tous les acteurs de terrain pour les efforts qu’ils déploient en ces temps difficiles. En accord avec ma collègue Mme Muylle, j’ai pris différentes mesures, telles que l’octroi d’une allocation exceptionnelle de 6 fois 50euros aux bénéficiaires du revenu d’intégration, de l’allocation de remplacement de revenus pour personnes handicapées et de la garantie de revenus aux personnes âgées afin d’aider les ménages en difficulté. Ces dispositions seront validées par le Conseil des ministres cette semaine. L’allocation sera attribuée de juillet à décembre 2020. Une circulaire précisant les modalités d’exécution sera élaborée en concertation avec les fédérations de CPAS. On a en outre octroyé à la fin mars 3276000 euros aux CPAS et banques alimentaires pour les besoins de première nécessité.On a neutralisé les revenus du travail saisonnier dans le revenu d’intégration. On a relevé le plafond
de l’immunisation professionnelle des étudiants boursiers. Le Conseil des ministres doit valider une intervention de 15% supplémentaire dans le taux de remboursement du RIS pour les personnes émargeant au CPAS suite à la crise, pour juin à décembre 2020. Ceci couvrira les frais de personnel des CPAS, pour les épauler dans d’éventuels recrutements notamment.
Afin de connaître les priorités sociales et d’y répondre, j’ai mis en place la taskforce Groupes vulnérables en collaboration avec les ministres Muylle et De Block. Pour fonctionner, cette task force s’appuie sur des organisations de terrain, par le biais de canaux de coordination tels que le Service de lutte contre la pauvreté, le Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées et l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes. La task force bénéficie du soutien du Réseau belge de Lutte contre la Pauvreté et de l’association de CPAS. De la sorte, nous avons pu identifier les groupes qui sont aujourd’hui à charge des CPAS. Toutes les propositions du groupe de concertation ont été transmises à la task force.
À l’instar des ministres fédéraux, les ministres des entités fédérées peuvent évaluer les besoins et y répondre par des mesures. Les Régions disposent d’importants leviers et je ne doute pas qu’elles prendront des mesures sociales complémentaires aux mesures fédérales. Le calendrier de leur application est progressif. Nous restons attentifs à l’évolution de la situation.
Les organisations de terrain ont également participé à la discussion de la stratégie de sortie au sein de la task force. Le SPP Intégration sociale a défini, avec les fédérations de CPAS, la manière dont ceux-ci peuvent reprendre leurs missions d’aide. Nous espérons que le point culminant de la crise sanitaire est derrière nous.
Avec un risque de diminution du PIB entre 9 et 10%, il y aura des répercussions sociales importantes. Le fédéral a anticipé cela, mais doit rester en contact avec les CPAS et les acteurs sociaux pour être au plus près des besoins.
Le soutien aux étudiants devait être amplifié. Les étudiants-jobistes ont été recensés comme groupe prioritaire par la taskforce chargée de mesurer l’impact de la crise sur les groupes vulnérables. Dans ce contexte, j’ai pu relever le plafond de l’immunisation socioprofessionnelle pour les étudiants boursiers pour la durée des mesures exceptionnelles en matière de chômage temporaire. Les CPAS se sont organisés pour traiter les demandes dans les temps en dépit de la crise. La loi permet aux CPAS de tenir compte de la situation financière des débiteurs d’aliments et de ses implications familiales. Les répercussions sociales de la crisedu COVID-19 se sont déjà fait sentir et s’aggraveront probablement au cours des prochains mois. C’est pourquoi le gouvernement m’a autorisé à octroyer un subside de 15 millions d’euros aux CPAS. Même s’il est encore trop tôt pour communiquer des chiffres précis, on constate effectivement une augmentation de l’aide sociale. Le SPP Intégration sociale a mis en place avec les CPAS un monitoring minutieux permettant de suivre l’évolution du nombre de demandes.
Le subside annuel de 176 millions aux CPAS est estimé à partir de leurs dépenses totales d’aide sociale complémentaire sur base des chiffres des fédérations de CPAS et de Belfius. Les 15millions supplémentaires du fédéral sont estimés sur base de la hausse de 30% des demandes pendant trois mois. On les a répartis selon la clé de répartition habituelle, sur base du niveau de pauvreté communal. Avec ce subside, les CPAS peuvent intervenir dans tout type de demande d’aide matérielle, sociale, médicale, médico-sociale ou psychologique ponctuelle, de manière à ce que les personnes concernées ne soient pas entraînées dans la spirale du surendettement et de la pauvreté. Un monitoring a été mis en place.
Le 18 mars, j’ai donné pour mission d’informer les CPAS à propos des mesures d’assouplissement du droit à l’intégration sociale. En raison de la crise du COVID-19, le SPP Intégration sociale publie régulièrement une actualisation des FAQ de son site web. Les informations sont également transmises par l’entremise d’une newsletter électronique. Toutes les mesures ont été examinées en concertation avec la fédération des CPAS. Il est recommandé aux CPAS de faire preuve de souplesse en matière de PIIS et de disposition au travail. Un usager ne peut répondre à certains objectifs du PIIS en cette période de crise. Il s’agit d’un cas de force majeure. Le CPAS ne peut sanctionner. La durée de cet assouplissement sera évaluée dans le plan de déconfinement et en fonction de la situation, en concertation avec les fédérations de CPAS.
Marie-Colline Leroy (Ecolo-Groen):
Nous reconnaissons l’effort fourni pour augmenter les ressources des CPAS. Il faudra quelques jours pour attribuer ces 100millions. Évoquera-t-on leur répartition au sein de la taskforce? L’intégration de la lutte contre la précarité dans des mesures de redéploiement énergétique est-elle envisagée?
La task force a été très utile pour définir les publics vulnérables et proposer une vision globale des besoins. Prévoit-on un rapport au sujet de cette mission, voire des auditions? Est-il prévu de la maintenir jusqu’en 2021? Concernant les étudiants et le PIIS, y a-t-il des éléments concrets annoncés aux CPAS? Les cultures de ces derniers varient d’une zone à l’autre. L’absence de sanction et la souplesse annoncées sont en contradiction avec certains éléments qui nous reviennent, notamment sur l’obligation de trouver un job étudiant.
Sachant que la situation de réussite est très floue en ce mois de juin et que les étudiants ne pourront pas nécessairement valider tous les ECTS prescrits dans les PIIS, prônez-vous davantage de souplesse?
Denis Ducarme, ministre :
La taskforce mise en place avec Mme Muylle nous permet d’être en contact régulier avec les CPAS, Myria, les banques alimentaires et les acteurs de terrain. L’objectif était d’identifier efficacement les groupes vulnérables durant la crise. Mme Nieuwenhuys a apporté, dans le cadre de la réflexion avec le GEES, un certain nombre de pistes qui ont finalement enrichi le débat. Et permis d’obtenir 200 millions d’euros de réponse sociale, ce qui semblait improbable il y a peu encore. On pourrait demander des auditions mais nous sommes encore dans l’action pour répondre à la crise sanitaire et ses conséquences sociales et économiques. À vous de voir quand organiser un suivi. Dans les communiqués, on a indiqué que les centmillions seraient une aide sociale complémentaire. C’est ce qui permet de donner aux CPAS la possibilité d’aider de manière plus générale: on peut prendre en charge des factures de gaz ou d’électricité, des besoins alimentaires ou des soins médicaux.. L’intérêt de l’aide sociale complémentaire est ne pas s’enfermer dans des aides trop spécifiques. C’est sans doute ce que MmeWillaert souligne comme nécessaire.
Sur le plan technique, on reprendra le même dispositif que les 14millions déjà dégagés et on répartira selon la même manière et en tenant compte des situations locales de pauvreté.Quand on intervient pour les CPAS, on évalue l’enveloppe sur base de l’augmentation des besoins. On va augmenter de 15% la prise en charge fédérale des nouveaux RIS, soit 15millions. Les CPAS n’utiliseront pas ces moyens aux seuls frais de dossiers mais pourront s’organiser souplement en fonction des demandes.Ces 15% ne doivent pas être uniquement engagés en faveur des nouveaux RIS car leur destination est plus vaste. Ce type de mesure est toujours prise en concertation avec les fédérations de CPAS et les acteurs de terrain.Nous avons une réunion demain avec les fédérations de CPAS sur le déconfinement. Nous procéderons par étapes.