En 2017, la Fondation Innovation et Travail (Stichting Innovatie en Arbeid) identifiait déjà trois obstacles au bien-être des travailleurs et travailleuses des entreprises de titres-services : problèmes ergonomiques, solitude et manque de motivation. Les résultats de cette étude montrent que le travail dans les titres-services impacte négativement la santé des aides ménagères et, plus spécifiquement, augmente très fortement le risque de souffrir de maladies du système locomoteur.
Question posée le 17/07/20 à Maggie De Block (alors Ministre des Affaires sociales, Santé publique, Asile et Migration) sur »L’invalidité chez les travailleurs et travailleuses en titres-services »
https://www.lachambre.be/doc/CCRI/pdf/55/ic247.pdf
Marie-Colline Leroy (Ecolo-Groen):
Madame la ministre, le vendredi 7 février 2020, l’INAMI organisait un séminaire portant sur «L’impact de devenir aide-ménagère dans le cadre des titres-services sur la probabilité d’être en emploi, au chômage, inactive, en incapacité de travail ou en invalidité». Ce séminaire était l’occasion de présenter les premières conclusions d’une étude, toujours en cours, menée par le Dulbea (département d’économie appliquée de l’ULB). Parmi les premières conclusions de cette étude, l’on peut citer que le fait de travailler dans le secteur des titres-services augmente la probabilité d’être en incapacité de travail primaire de 2,5 points de pourcentage et d’être en invalidité (c’est-à-dire en incapacité de travail d’une durée supérieure à un an) de 1,8 points de pourcentage durant les 5 années qui suivent l’entrée dans le système des titres-services.
Les principales causes de ces incapacités de travail sont des maladies du système locomoteur. Cette étude n’est pas la première à s’intéresser cette question. Dans un rapport de juin 2017, la Fondation Innovation et Travail (Stichting Innovatie en Arbeid) identifiait déjà trois obstacles au bien-être des travailleurs et travailleuses des entreprises de titres-services : problèmes ergonomiques, solitude et manque de motivation. Ces facteurs déboucheraient sur des absences régulières et des départs.
- Disposez-vous de chiffres quant aux travailleurs et travailleuses du secteur des titres-services bénéficiant du parcours de réintégration des malades de longue durée?
- Combien de travailleuses et travailleurs de ce secteur ont fait usage de la possibilité de reprendre un travail adapté?
- Quelles mesures de prévention, notamment en matière de burn-out, peuvent-elles être proposées à ce secteur?
Maggie De Block, ministre:
Monsieur le président, mesdames, merci de nous faire gagner du temps par le renvoi au texte de vos questions! Les résultats de cette étude montrent que le travail dans les titres-services impacte négativement la santé des aides ménagères et, plus spécifiquement, augmente très fortement le risque de souffrir de maladies du système locomoteur. Dans ce contexte, les mesures visant à réduire l’impact négatif du travail dans les titres-services sur la santé devraient se concentrer en priorité sur la prévention des maladies musculo-squelettiques .La loi sur le bien-être au travail requiert que l’employeur prenne les mesures nécessaires afin de promouvoir le bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail, en mettant en œuvre les principes généraux de la prévention des risques professionnels physiques et psychosociaux. Le SPF Emploi a d’ailleurs établi une brochure de prévention spécifique au secteur du nettoyage. Fedris propose également un programme de prévention des maux de dos et un projet-pilote de prévention du burn-out y est également en cours dans les secteurs hospitalier et bancaire. Si ce dernier est évalué positivement, en 2021, l’intervention pourra être élargie à d’autres secteurs.
Par ailleurs, l’étude de l’INAMI étant toujours en cours, nous ne sommes malheureusement pas encore en mesure de fournir des recommandations plus précises à cet égard. Cependant, tout en gardant ces résultats à l’esprit, particulièrement les maladies du système locomoteur, le rapport d’Idea Consult sur le travail faisable et maniable dans le secteur des titres-services propose déjà quelques pistes de réflexion en la matière. La présente étude vise à analyser les effets sur l’emploi et la santé au travail dans les titres-services.Nous n’étudions donc pas la réintégration dans le marché du travail des aides ménagères après une période d’écartement pour raisons médicales.Néanmoins, d’autres études peuvent éclairer les débats sur la question de la réinsertion professionnelle, et plus particulièrement dans le cadre d’un travail à temps partiel avec maintien d’une partie des indemnités, dit « travail adapté » à l’état de santé des travailleurs et travailleuses.Une étude de Laura et al. de 2020 sur les trajectoires des individus écartés du marché du travail pour raison médicale montre que ces personnes ont davantage tendance à retourner dans un emploi à temps partiel plutôt qu’à temps plein, et que 75% d’entre elles retournent dans le même secteur d’activités qu’avant leur écartement.
Selon le baromètre d’incapacité de travail élaboré par le DULBEA, le nombre d’autorisations accordées pour la reprise d’un emploi à temps partiel a augmenté considérablement au cours des dernières années. En effet, en ce qui concerne les individus faisant partie du régime général, en 2017, on dénombrait environ 28600 femmes ayant repris un travail à temps partiel contre 15000 en2013, soit une augmentation de 84% en quatre ans. Pour les hommes, cette augmentation a été plus faible. Ils étaient 72% avec 8000 autorisations en 2013 contre 14000 en 2017.Selon l’INAMI, le nombre de femmes travaillant à temps partiel est plus élevé que le nombre d’hommes. En effet, en 2017, 67% des autorisations ont été accordées à des femmes. Bien que nous ne disposions pas de chiffres spécifiques à la population des aides ménagères, l’INAMI indique qu’en 2017, 26% des individus ayant repris un travail adapté suite à un écartement pour raison médicale présentaient une maladie musculo-squelettique. Ceci en fait le groupe de maladies avec le taux de retours à l’emploi le plus élevé, avec un pourcentage supérieur à la moyenne pour l’ensemble des autres maladies.Dans le cas spécifique des aides-ménagères, le caractère répétitif des mouvements causant des maladies musculo-squelettiques étant un facteur aggravant de ces maladies, la réduction du temps de travail proposée par l’INAMI pourrait donc permettre de partiellement réintégrer les aides-ménagères au marché du travail.
Marie-Colline Leroy (Ecolo-Groen):
Madame la ministre, je vous remercie pour toutes ces informations précises et précieuses. Il faudra que je relise attentivement les chiffres donnés.Mais je salue le courage de ces travailleurs et de ces travailleuses car nous constatons effectivement que c’est avec beaucoup de motivation que ces personnes retournent sur le chemin du travail, malgré les conditions que l’on sait extrêmement difficiles.Je sais aussi que la question de la formation pour ces travailleurs est forcément une compétence régionalisée. Mais puisqu’un travail est entamé, sans doute faudrait-il le renforcer avec une forme de soutien et de suivi liés à la formation. Je pense que nous pourrions y gagner davantage.
J’espère que, dès la rentrée, nous pourrons réfléchir à des dispositifs pour essayer d’améliorer encore les conditions de travail et la relation au travail de ces travailleurs et travailleuses du secteur des titres-services. S’ils sont extrêmement précieux à notre société, ils sont aussi souvent les plus en difficulté dans le secteur dans lequel ils travaillent.