La crise du coronavirus a durement frappé le secteur culturel. A cette occasion, cette compétence d’ordinaire essentiellement gérée au sein des communautés a été au centre des discussions de nombreuses réunions de la Commission des Affaires sociales de la Chambre. Et pour cause ! Le statut social des travailleur·se·s du secteur culturel relève du fédéral.
Et, partant, il incombait au fédéral de proposer des solutions aux artistes et technicien·ne·s confrontés à des situations socioéconomiques se précarisant chaque jour davantage, nombre d’entre eux/elles étant piégé·e·s par un « statut d’artiste » mal conçu. Un statut qui les assimile injustement à des chômeur·se·s alors même qu’ils/elles travaillent et aux conditions d’accès si alambiquées que beaucoup n’activent que difficilement leur droit à ce statut.
Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait plus été autant question du secteur culturel au sein du Parlement fédéral. Heureusement, aux termes de nombreux rebondissements – dont vous trouverez le récit ici et ici – des solutions ont été validées pour répondre à l’urgence conjoncturelle dans laquelle la Covid-19 a plongé ces travailleur·se·s. Mais, je l’ai répété à maintes occasions, le travail est loin d’être fini ! Les député·e·s siégeant au sein de la Commissions des Affaires sociales tombent d’accord sur le constat de l’inadéquation dudit « statut d’artistes ». Il conviendra maintenant de transformer cet ersatz de statut et d’offrir, enfin, un statut à la hauteur de l’importance de la culture au sein d’une société démocratique. Cette préoccupation doit être prise en compte sur les bancs du Parlement, mais également dans le cadre des négociations pour la négociation d’un gouvernement fédéral.
Retrouvez ci-dessous le contenu intégral de la carte blanche parue le 18 août 2020 dans le Vif. Cette carte blanche est cosignée par moi-même, Julie Chanson (députée fédérale Ecolo), Evita Willaert (députée fédérale Groen), Matteo Segers (chef de groupe Ecolo au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles), Pierre-Yves Lux (député bruxellois et communautaire Ecolo) et Lotte Stoops (députée bruxelloise Groen) :
« La crise du coronavirus leur a mis un genou à terre et notre devoir est d’assurer qu’ils puissent rester debout. Notre avenir commun en dépend.
Les artistes, les technicien.ne.s, l’ensemble des acteurs et des actrices qui travaillent au développement des droits culturels, à la création d’événements rassembleurs et qui œuvrent dans les industries dites créatives jouent un rôle essentiel dans notre vie, en nous permettant de rêver, de rire, de pleurer, d’apprécier le beau, d’aimer, bref de faire société. Elles et ils doivent être entendu.e.s et respecté.e.s. Des communes au pouvoir fédéral.
Nous, écologistes, ne pouvons imaginer un gouvernement fédéral qui les oublie, qui ne prendrait pas en compte les difficultés qu’ils et elles vivent. Nous voulons un projet qui prenne la question de notre avenir culturel collectif au sérieux. Qui y travaille avec les communautés et les régions. Qui participe à donner sa juste place à la création, aux expressions et à l’émancipation individuelle et collective. Qui considère les métiers de la culture à leur juste valeur en prenant pleinement conscience du poids économique, sociale qu’ils représentent, de leur importance pour notre société.
En cette période estivale, nous reprenons la plume pour les défendre. Il est essentiel, pour nous, de demander à tous les négociateurs d’inscrire également des réponses structurelles et sérieuses aux enjeux du secteur artistique et culturel. La crise a en effet rappelé que leur situation dépend aussi de dispositions spécifiques liées aux compétences fédérales, notamment pour ce qui leur statut de travailleuses et de travailleurs.
Ainsi, nous voulons rappeler aux négociateurs la nécessité absolue de reconnaître que l’art et la culture sont nécessaires à la construction d’un monde juste, équilibré, durable et solidaire. Leurs activités participent grandement au développement économique du pays et génèrent emplois et attractivité. Une société résolument démocratique se doit d’être nourrie, émue, mais aussi critiquée par des secteurs culturels forts. Ceci nous rappelle également l’urgence de la situation : nous estimons qu’un plan clair qui soutient, régule, et protège est la seule option pour donner au monde culturel, événementiel et créatif belge un avenir assuré. Un horizon. Des perspectives.
Nous demandons dès lors que tout éventuel accord fédéral établisse spécifiquement une feuille de route pour le monde culturel dans son ensemble, qui répondra aux attentes exprimées durant toute la crise que nous traversons. En terme d’emploi, de fiscalité, de décisions sanitaires, de droits notamment. Les Communautés et les Régions ont évidemment leur rôle à jouer et elles l’ont joué durant ces derniers mois. Mais le Fédéral a, lui aussi, sa part à faire.
Cette crise a démontré la nécessité de réfléchir à la mise en place d’un organisme fédéral spécifique dont la tâche serait d’assurer, entre autre, la coordination des enjeux fédéraux liés à l’emploi artistique et à la structure économique de ce secteur. Une mission qui compléterait intelligemment l’action des communautés et des régions en remettant du sens dans l’ensemble des dispositifs fédéraux qui sont liés au développement culturel. Le premier chantier serait la construction d’un réel statut des artistes et des technicien.ne.s, pour nous une évidence et une priorité politique. Par ailleurs d’autres chantiers doivent être envisagés, tels que l’analyse des impacts économiques de la crise sanitaire sur les secteurs culturels et événementiels, l’établissement d’un cadastre des travailleur.euse.s des arts, des outils fiscaux efficaces et pérennes (tax shelter, etc.), un espace d’information centralisé permettant un accompagnement de ces travailleurs et travailleuses, … Il nous faut une mission exécutive rassembleuse qui puisse contribuer à l’avenir culturel dans et pour notre pays.
En somme, c’est une réflexion sur le développement de l’exception culturelle et sur la place des créateur.rice.s. et de leurs droits dans notre société dont il devra être question aussi au fédéral.
Assurer un travail de relais, d’information, de proposition, de concertation et de coordination, en mettant en lumière les réalités des mondes culturels et créatifs, en étroite collaboration avec les communautés, centre de gravité des politiques culturelles, c’est une priorité vitale.
Plus que jamais, les artistes, les technicien.ne.s, les auteur.e.s, les parties prenantes des mondes culturels, événementiels et créatifs, appellent à une juste reconnaissance, à de la réactivité politique forte et immédiate.
Une vie culturelle riche est vitale pour une démocratie en bonne santé. D’autant plus dans un contexte de montée des populismes, des extrêmes et des violences, il nous faut un projet de société fort. Nous devons porter une attention particulière aux métiers de la création. Laisser les créatrices et les créateurs en situation de précarité, c’est mettre notre démocratie en danger.
Aujourd’hui, nous pensons que le monde politique, à tous les niveaux, doit se lever pour soutenir les mondes culturels, créatifs et événementiels belge. Ensemble. Cette préoccupation doit aussi se retrouver à l’agenda de tous les négociateurs fédéraux. Les oublier dans les discussions et dans les accords politiques au fédéral, ce serait les achever. »