Quand il y a enquête pour un.e allocataire social.e, un dossier est constitué par une.e assistant.e social.e. et est transmis aux conseiller.ère.s de l’action sociale afin d’être traité et validé. Faut-il ou non, par souci d’équité, enlever les attributs (noms, etc…) des demandeu.r.se.s afin de garantir la neutralité de ces choix? En d’autres termes : Pour ou contre l’anonymat des dossiers?
Question de Marie-Colline Leroy à Karine Lalieux (Pensions et Intégration sociale) sur « Le traitement anonymisé des demandes d’aides sociales aux CPAS » (55011059C)
Cette question a été posée le 27 janvier 2021 en Commission Affaires sociales
Marie-Colline Leroy (Ecolo-Groen):
Madame la ministre, je vais vous parler de l’anonymisation des données, un sujet passionnant. L’an dernier, en mars 2019, un CPAS se lançait dans un pari: celui de traiter les
demandes d’aides sociales dans l’anonymat. Concrètement, la commune mettait cette mesure en place pour toutes les aides octroyées par le CPAS: du revenu d’intégration sociale aux chèques repas, en passant l’octroi d’un logement. Tout se devait d’être anonyme. Ainsi, une fois le dossier constitué par l’assistant social, il était envoyé aux conseillers en enlevant tous les attributs du demandeur. Seuls restaient le résumé de la situation et le registre national du demandeur.L’objectivité universelle vers laquelle les décideurs sont supposés tendre paraissait plus facile à atteindre. Il semble qu’un an plus tard, sans de réels débats, la mesure ait été abandonnée. Pas assez aisé de suivre le dossier rien qu’à l’aide du numéro d’identité. De plus, il semble aisé, dans des petites communes de deviner de qui on parle dans ces dossiers. Certains estiment que les demandes sont assez anonymes puisqu’elles sont traitées à huis clos.
Par ailleurs, il faut dire que cet anonymat reste relatif puisque les conseillers ont accès aux documents produits par l’administration. Enfin, en cas d’audition du demandeur par le conseil, pas facile, forcément, de garder l’anonymat. Pourtant c’est une belle idée. Elle est juste et équitable.
Madame la ministre, que pensez-vous du procédé? Quelle est votre position quant à la méthode dite anonyme? Savez-vous si de telles initiatives fonctionnent dans d’autres communes? Encouragez-vous les CPAS à tenter cette expérience, expérience qui pourrait évidemment être repensée et réorganisée?
Karine Lalieux, ministre:
madame la présidente, cette expérience de traitement des dossiers de manière anonyme est une initiative intéressante. Les objectifs d’impartialité, de neutralité qu’elle poursuit sont honorables et trouvent leurs fondements dans les valeurs de justice et d’équité que je défends quotidiennement. Néanmoins, je peux vous dire, de ma propre expérience, que les choses se passent actuellement déjà très bien, vu les garanties offertes par les règles de confidentialité des données, auxquelles chaque travailleur social, chaque conseiller d’action sociale et chaque CPAS doivent se tenir. Cependant, si un CPAS souhaite aller plus loin dans l’anonymat de ses dossiers, cela lui est tout à fait possible. On ne récolte pas de plaintes
par rapport à la violation du secret professionnel et à l’anonymat. Le procédé que vous mentionnez est limite quand il s’agit d’enquêtes individuelles et de prendre toute la dimension de problèmes souvent multifactoriels. Il est quand même compliqué de rester uniquement dans l’anonymat. Je pense que c’est de l’humain, et l’humain est important. Un numéro ne fait pas l’humain derrière.
Marie-Colline Leroy(Ecolo-Groen):
Madame la ministre, je vous remercie pour votre réponse. J’avais le souhait de vous entendre, car c’est un débat qui naît dans certaines communes et au sujet duquel j’ai été interpellée par certains conseillers de l’action sociale souhaitant y revenir. En effet, il y a cette tension entre la volonté de justesse et d’équité ainsi que, parfois aussi, l’influence que peuvent avoir nos stéréotypes et préjugés sur nos propres décisions, et ce, de manière extrêmement subtile et invisible. Aussi pourrait-on imaginer qu’en fonction de ce que l’on définit dans l’identité d’une personne, la posture pourrait changer. Il serait peut-être intéressant d’utiliser des méthodes mixtes, d’examiner si des traitements anonymisés diffèrent des traitements qui ne le seraient pas sur des dossiers identiques, à l’instar des expériences faites sur des dossiers fictifs d’engagement et d’entretiens d’embauche? Parce que,
dans ces cas-là, il peut y avoir des variations.