En septembre 2021, La ministre des pensions présentait sa réforme en Commission des Affaires sociales.  Pour lire la discussion dans son intégralité sur la réforme des pensions >

https://www.lachambre.be/doc/CCRI/pdf/55/ic587.pdf

Marie-Colline
Leroy (Ecolo-Groen):

Je vais poser moi-même une question au nom du groupe Ecolo-Groen. Pour nous, la réforme des pensions est non seulement attendue, mais également importante. On considère en effet qu’une société
solidaire protège ses aînés et veille à reconnaître l’investissement sociétal de toute une vie, quel qu’il soit.S’assurer que les travailleurs et travailleuses pensionné.e.s puissent poursuivre leur vie en s’impliquant dans les combats de ce siècle et qu’ils soient disponibles pour les générations futures constituent une priorité pour nous. Les travailleurs doivent avant tout avoir droit à une pension légale, solide et garantie.

Madame la ministre, vous avez récemment annoncé quelques grandes lignes de la réforme à venir. Nous avons lu tout cela avec une grande attention. Nous aimerions simplement insister sur le fait que pour
nous, un débat serein, sérieux et précis doit avoir lieu maintenant. Nous espérons vraiment que nous pourrons travailler dans cette dynamique. Nous pouvons déjà constater que certaines propositions sont clairement très intéressantes et méritent quelques premières précisions.On voulait d’abord vous interpeller sur la règle des 60ans et des 42ans de carrière. Cette proposition tient compte des réalités de ceux qui ont commencé à travailler très jeunes ou pour les femmes qui ont bien souvent des carrières plus courtes.  Restera à préciser les conditions et distinctions de la durée de l’emploi effectif, dont la notion même est critiquable. Pouvez-vous, à ce stade, nous en dire davantage sur l’interprétation que vous faites de cette notion. Cela rejoint ce que ma collègue vient d’évoquer.  La modification du dénominateur de la carrière pleine est un
élément essentiel majeur. Dès lors, faut-il interpréter techniquement que tous les temps partiels d’une espèce d’adaptation progressive de cette situation?Nous estimons –et vous l’avez dit–qu’une politique de reconnaissance de la dimension familiale dans le calcul des pensions est à prévoir. C’est très important. Le chantier semble s’engager. Nous pensons qu’il est une priorité et qu’il permettra une augmentation significative des pensions des femmes, encore à l’heure actuelle en moyenne plus basse que celle des hommes. Mais concrètement, comment envisagez-vous cette reconnaissance ?

Karien Lalieux :

Chers collègues, je vous remercie pour l’intérêt que vous portez à ma proposition de réforme. La question de la pension minimum est importante et sensible. Elle mérite toute notre attention et toute votre attention, comme vous le démontrez ici.Je rappelle –on l’oublie trop souvent–que ce gouvernement a décidé d’augmenter considérablement la pension minimum. Dans cette législature, nous prévoyons ainsi une augmentation de 11%, en plus de l’enveloppe bien-être et de l’indexation. Cela permettra aux travailleurs ayant une carrière complète de 45ans de bénéficier de près de 300 euros supplémentaires par mois. Il s’agit d’une amélioration significative pour 700000personnes bénéficiant d’une pension minimum. Cela représente près d’un pensionné sur trois aujourd’hui ou un cinquième des travailleurs ayant une carrière mixte, et même
près de trois quarts des indépendants.

Ensuite,la situation des femmes sur le marché du travail et l’impact sur leur pension doivent suffisamment être pris en compte. En effet, l’accord de gouvernement stipule explicitement que les inégalités
entre hommes et femmes doivent être prises en compte et, dans la mesure du possible, réduites. La proposition du CD&V de réduire la durée totale de carrière à 20ans au lieu de 30ans constitue un
angle que l’on travaille également dans le cadre de la réforme des pensions. C’est important.

Marie-Colline Leroy (Ecolo-Groen):

Le calcul sera proportionnel, ce qui est une bonne chose. Il faudra voir comment cela peut fonctionner et déterminer le nombre de personnes qui seront impactées par ce calcul. Pour ce qui est de l’emploi
effectif, je rejoins ma collègue qui s’interroge sur la notion d’emploi effectif et de jours assimilés. Je tiens à exprimer des craintes concernant la question des jours assimilés. On a entendu, non pas dans votre chef, madame la ministre, mais dans les médias, un débat à propos des bénéficiaires d’allocations de chômage qui auraient plus en fin de carrière que les indépendants; on met là en compétition des situations de vie qui n’ont pas à être comparées. Il faudra être vigilant. Concernant la reconnaissance de la dimension familiale, si j’ai bien compris, il est un peu trop tôt pour aborder la question. J’imagine qu’une méthode de travail sera
définie. Pour en avoir parlé avec les syndicats et les partenaires sociaux, je pense que l’enjeu est énorme et que tout le monde souhaite trouver des pistes créatives et originales. Nous serons partenaires.
Cela me permet de faire une transition et d’aborder la question des jeux politiques qui seraient venus de toutes parts. Je pense que ce n’est pas le cas. J’ai à cœur de rappeler que notre groupe a un souhait
important, celui de mener cette réforme à bon port, de travailler sérieusement, avec une dynamique constructive. En tout cas, je pense que c’est le cas au sein de cette commission. Je m’attellerai à la
tâche pour faire en sorte que cet espace de concertation soit un espace correctement utilisé.

(Suite de la Commission Affaires Sociales du 29/09/21)

Marie-CollineLeroy (Ecolo-Groen):

Une société solidaire protège ses aînés et reconnaît l’engagement de toute une vie, quel qu’il soit. Les travailleurs doivent avoir droit à une pension légale solide et garantie. Certaines propositions nous paraissent intéressantes et appellent des précisions.La rège des soixante ans et des quarante-deux ans de carrière tient compte des réalités de ceux qui ont commencé à travailler très jeunes ou des femmes dont la carrière est plus courte.

En revanche, on s’interroge sur la notion d’emploi effectif. Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre interprétation de cette notion? La modification du dénominateur de la carrière pleine pour les temps partiels est un élément majeur. Tous les temps partiels pourront-ils bénéficier d’une adaptation progressive? Il faut prévoir une en reconnaissance de la situation familiale dans le calcul des pensions, ce qui permettrait une augmentation significative des pensions des femmes. Comment envisagez-vous cette reconnaissance?

Karine Lalieux, ministre :

Le gouvernement a décidé d’augmenter considérablement la pension minimum: lors de cette législature, nous prévoyons une augmentation de 11% en plus de l’enveloppe bien-être et de l’indexation. Cela permettra aux travailleurs ayant une carrière complète de 45ans de bénéficier de près de 300euros supplémentaires par mois. Cela concerne 700000 personnes bénéficiant d’une pension minimum, soit un pensionné sur trois, un cinquième des travailleurs qui ont une carrière pure, non mixte et trois quarts des indépendants. loopbaan en drie vierde van de zelfstandigen. (En néerlandais)Il est indiqué dans l’accord de gouvernement que la pension minimum sera liée à une condition d’emploi effectif.

Je propose une condition minimum d’au moins 104 jours par année durant 10 ans ou de 1040 jours de travail effectifs sur 10 ans.  Cela ne signifie pas qu’une personne ayant dix ans de carrière aura accès à une pension minimale. La condition actuelle imposant au moins 30 ans de carrière subsiste. Le calcul de la pension minimum demeure proportionnel à la durée de la carrière. Avant que nous puissions parler d’une condition minimale d’emploi effectif pour une ouverture du droit à la pension minimum, je propose deux conditions.   Nous devons tenir compte des formes d’emploi flexibles en augmentation et dans lesquelles on retrouve beaucoup de jeunes travailleurs. La proportion des travailleurs de 35ans à ne pas s’être constitué de droits de pension avant leurs 25 ans a triplé en trente ans. Les jeunes doivent travailler plus longtemps pour obtenir une pension alors qu’ils n’acquièrent pratiquement aucun droit social pour les périodes travaillées en début de carrière.

La situation des femmes doit être prise en compte et les inégalités réduites. Nous examinons à cet effet la proposition du CD&V de vingt ans de carrière plutôt que trente.  La proposition de l’Open Vld d’imposer, en plus d’une carrière de 30ans minimum pour une pension minimale, la condition d’un minimum de 20 années de travail effectif, ne répond pas à l’objectif visant à réduire l’écart entre les genres. Elle exclurait deux tiers des nouveaux bénéficiaires, dont les trois quarts sont des femmes.  MmeLanjri aura tous les chiffres qu’elle a demandés dans la réponse écrite.  Il ne faut pas prendre de décision hâtive. Nous devons évaluer les propositions sur la base de leur incidence dans la pratique.  En vue de réduire l’écart entre les sexes, je propose de revaloriser le calcul de la pension minimum pour les travailleurs à temps partiel, qui sont majoritairement des femmes.  Nous envisageons, comme le propose le CD&V, d’imposer une condition supplémentaire de travail effectif. Cette piste permettrait également de résoudre la question prioritaire de l’accès à la pension minimale des conjoints aidants et des accueillants d’enfants.  Ces propositions seront d’abord examinées par le gouvernement et seront ensuite soumises aux partenaires sociaux. Une fois que le gouvernement aura trouvé un consensus, les propositions seront également présentées au Parlement.  De nombreuses personnes avaient déjà leur avis sur la viabilité financière de ma proposition avant que les chiffres ne soient connus.  Le Service fédéral des Pensions a évalué l’incidence budgétaire de mes propositions. Une fois que le gouvernement aura trouvé un consensus, nous solliciterons l’avis des partenaires sociaux, du Bureau fédéral du Plan et du Comité d’Étude sur le Vieillissement. Des chiffres détaillés seront joints aux propositions soumises au Parlement.

La réforme des pensions est l’un des jalons du plan de résilience et de relance de la Belgique et donc une condition pour obtenir une aide européenne de 5,9 milliards d’euros. La teneur de la réforme est laissée à la discrétion des États membres.  Le vieillissement aura une incidence sur les dépenses en matière de pensions. Le Comité d’Étude sur le Vieillissement estime qu’à politique inchangée, les dépenses augmenteront de 11,3% du PIB en 2021 à 13,5% en 2040 et à 29,8% en 2070.

L’augmentation de l’espérance de vie est un progrès, le vieillissement de la population un défi. Pour y répondre, nous travaillons sur plusieurs pistes. Les différentes pistes de réflexion sont les suivantes: la promotion de l’emploi, la stimulation de la croissance de la productivité, la mise en œuvre d’une fiscalité équitable et d’un financement durable de la sécurité sociale ainsi que la maîtrise des dépenses. Compte tenu de la hausse du nombre de personnes âgées, une augmentation des dépenses est inévitable.
La faisabilité financière est un défi collectif. Pour en décider, il faut examiner l’ensemble des dépenses et des recettes publiques.  La promotion de l’activité économique est cruciale. Le gouvernement vise une croissance élevée de la productivité grâce à des plans d’investissement et à des investissements ambitieux dans l’enseignement, la recherche et le développement. L’objectif d’un taux d’emploi de 80% est supérieur à l’hypothèse du Comité d’Étude sur le Vieillissement.

Pour atteindre cet objectif, de nombreuses mesures seront donc nécessaires, tant de l’autorité fédérale que des Régions.  S’agissant de mes compétences, je vise à stimuler la participation au marché du travail à tous les égards. La réforme des pensions créera des incitants pour maintenir les personnes plus longtemps au travail, comme le bonus de pension. Dans le plan de lutte contre la pauvreté, l’accompagnement sur le marché du travail est essentiel. Les personnes souffrant d’un handicap doivent bénéficier de toutes leurs chances sur le marché du travail. De même, le renforcement de la lutte contre l’évasion fiscale joue un rôle important.

Dans les hypothèses sur lesquelles a travaillé l’administration des pensions, nous n’avons pas introduit une augmentation du taux d’emploi ou du taux de productivité, qui devrait pourtant arriver avec le plan de relance. Il est normal qu’il y ait des jeux politiques autour d’un sujet comme la réforme des pensions. Cependant, il faudrait éviter les mensonges et la désinformation. Depuis mon entrée en fonctions, j’ai évité toute déclaration tapageuse, on a même pu me reprocher ma discrétion. Cela ne nous a pas empêchés de travailler à la réforme des pensions, au contraire!

J’ai discuté avec le monde scientifique et les partenaires sociaux. Dès le départ, des contacts ont été pris avec les ministres des Finances et des Affaires sociales ainsi qu’avec le cabinet du premier ministre. Nous n’avons pas travaillé de manière isolée, mais dans le calme afin de progresser plus rapidement.  L’accord de gouvernement prévoit une présentation de la réforme en septembre et c’est ce que j’ai fait dans la presse. C’était nécessaire vu les déclarations des uns et des autres qui ont créé cacophonie et confusion.

Il fallait recentrer le débat sur le projet de réforme cohérent construit par la ministre qui avait reçu ces compétences.Une fois le projet déposé au gouvernement, nous avons décidé ensemble d’en discuter après les travaux budgétaires. Jamais les pensions en seront une variable budgétaire pour ce gouvernement et jamais nous ne ferons d’économies sur le dos des pensionnés. Je mettrai à profit cette période pour des contacts bilatéraux avec les acteurs de terrain et les ministres.